Mon compte
    "La Nonsérie" - Ceci n’est pas une websérie

    Au prime abord, le concept est particulièrement opaque. Mais dès la dixième seconde, on ne peut déjà plus s’en passer : une série sur le making of d’une série qui devient la série… On vous explique !

    Le génial Arthur Laloux avait lancé ce concept l’année dernière, dans une première saison en dix épisodes. La "Nonsérie" est une websérie qui se développe en temps réel. C’est-à-dire que les épisodes vous racontent le making of de la série que vous êtes en train de regarder. C’est ce qu’on appelle de la "méta-série".

    Un an plus tard, repéré par les saints-patrons de la websérie française, François Descraques et Navo, Arthur Laloux remet les compteurs à zéro et lance la "Saison 1", plus professionnelle, de la "Nonsérie". Un reboot, en quelque sorte. Vous n’avez toujours pas saisi ? Alors regardez :

    Nonsérie S01E01 : Monsieur Max

    Maintenant que vous comprenez l’idée, nous vous recommandons de repartir à zéro, vous aussi, et de visionner les épisodes de la "Saison 0" : celle qu’Arthur Laloux avait tournée pour mieux refaire. Vous pouvez aussi lire notre interview du créateur de la Nonsérie si vous voulez quelques indices sur la suite !

    AlloCiné - Comment t'es venue l'idée de faire une websérie sur le fait de faire une websérie ?

    Artur Laloux - Un soir, un peu bourré (du coup je ne sais plus exactement comment le sujet est arrivé), j’ai lancé l’idée avec les potes de "L’Intrafilm", un documentaire sur des gens qui font ce documentaire. On y aurait vu l’équipe du documentaire en train de chercher des fonds, d'en parler dans des interviews et plein d’idées dans ce trip. L’idée commençait à être vraiment sympa, puis s’est posée la question : "Qui va regarder ça ?". On s’est compté, on était une vingtaine dans l’équipe, donc une vingtaine de spectateurs. Il fallait se plier au format internet. Court. L’Intrasérie était née. Puis a changé de nom, pour rendre hommage au Nonfilm de Quentin Dupieux, qui est une des inspirations évidentes de ce concept de mise en abyme infinie.

    Ce qu’il reste de cette idée de base, c’est la Saison "Zéro", et sa toute première scène où j'évoque le projet en disant : "Il se tourne actuellement". On peut nous y voir en train de se demander quoi faire dans une websérie. La première saison porte le résultat de ces questions.

    Ne regardez pas la saison zéro, je dis ça pour vous.

    AC - C'est en ironisant sur la websérie que tu parviens à en faire une. As-tu peur que ce paradoxe finisse par te nuire ?

    AL - C’est le ressort principal de la série en effet. J’aime à dire que la Nonsérie est une série "évolutive". Elle évolue sous les yeux des cyberspectateurs et de façon assumée. C’est ce que je trouve intéressant, on ne ment pas.

    On a eu un problème de mixage au premier épisode, on le résout au second.

    Et je le dis ici, pour que le mixeur du premier épisode s’en veuille encore un peu plus.

    Certains spectateurs sont manichéens, et estiment qu’une série doit être bien, directement, ou alors elle n’est pas bien. Ils ne laissent pas à nos pauvres petites têtes bénévoles le temps de faire des erreurs, d’apprendre, et d’essayer de faire de mieux en mieux. Les personnages des flics sont là pour être leurs porte-parolse.

    Donc, non, ça ne peut pas me nuire, parce que j’ai trouvé le concept parfait pour commettre toutes les erreurs possibles sans que ça nous soit vraiment imputable, car elles sont organiques à la Nonsérie et que j’arrive presque toujours à les justifier de façon à peu près comique.

    Nairod, le compositeur, m’appelle "L’Amateur Professionnel".

    AC - Combien de saisons penses-tu pouvoir tenir avec ce concept ?

    AL - Grosse question, on me demande souvent où je veux aller, en termes de scénario.

    Comme je l'ai dit, la série est très proche de la réalité. L’acteur qui joue Monsieur MAX m’appelle à chaque fois que je lui envoie le scénario pour me dire que telle ou telle blague est nulle ; Bryce est vraiment mon bras droit ; FloBer était vraiment dans ma promo et j’ai vraiment un problème de diction. On interagit toujours un peu avec la réalité.

    Donc tant qu’il m'arrive des trucs à moi et d'autres à la série, elle aura des choses à montrer.

    Tu vois, là, cet article, va évidemment être intégré au scénario du prochain épisode.

    La série a une vraie histoire, les blagues de mise en abyme et de méta c’est la forme. Mais le fond, c’est un mec qui se cherche, et une équipe qui essaie de faire en sorte que sa série fonctionne, qui tente de la rendre toujours plus qualitative, et de plus en plus vue.

    Je pense que le jour où ce sera un vrai succès, ce sera la fin.

    AC - La websérie a beaucoup souffert de l'arrivée des podcasters et des collectifs de vidéastes sur le net. Penses-tu pouvoir surmonter cette concurrence avec ton format et avec ton association avec des auteurs comme François Descraques ?

    AL - Certainement pas. Il y a un niveau de fou en France, on aurait dû partir en Roumanie, on y serait peut-être devenus des stars du web.

    Notre défaut, c’est une série un peu "élitiste", une bonne partie des blagues sont comprises par les gens du milieu de l’audiovisuel ou par des aficionados.

    Mais c’est aussi notre force, car justement ça fait marrer les gens du milieu et les aficionados. Nous avons un public précis, donc nous pouvons tout nous permettre, sans trop craindre l’incompréhension.

    Par exemple, recevoir les compliments de François Descraques c’est énorme, car ça lui a parlé, il s’est reconnu dans certaines problématiques qui sont  rarement abordées sous le format humoristique. Et ce n’est pas le seul, donc je suis très content. Dans nos 2500 vues initiales, il y en a 50 de personnes que j’admire personnellement.

    Après il semble y avoir un goût nouveau pour tout ce qui parle de la création, des coulisses, ainsi que du "méta". Ce public s’élargit vite.

    Avec la télé-réalité, pouvoir parler à ses idoles sur twitter, le crowdfounding et tous ces trucs qui s’installent, les gens commencent à s’intéresser, et à littéralement participer aux projets.

    Pour moi, quiconque aime la Nonsérie et la partage fait partie de l’équipe. Un jour on écrira un épisode de 10 minutes avec seulement un générique de tous ceux qui en ont parlé, qui m’ont envoyé des idées par courriel, qui interagissent avec nous de près ou de loin.

    En me posant des questions ici, tu viens d’y participer.

    Donc c’est peut-être comme ça que la série peut se différencier des autres formats et concepts, car son public se fond avec sa communauté. Et on le voit avec "Le Visiteur Du Futur" ou "Hero Corp" : ce sont les communautés qui font le succès d’une série.

    Même si on n’est pas nombreux, on est entre nous, et on est à fond. L’équipe, la communauté naissante, la Nonsérie elle-même, et moi, on est là pour se faire plaisir.

    Propos recueillis par Gauthier Jurgensen

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Commentaires
    Back to Top